Lecture commune avec Pascale (avec une petite journée de retard). Anne et Cécile feront leurs billets plus tard.
Le mot de l'éditeur :
" Sara Susanne, Elida et Hjordis, sont respectivement l'arrière-grand-mère, la grand-mère et la mère de la narratrice. Cent ans " est le roman de leurs vies, des hommes qu’elles voulaient et des hommes qu’elles ont eus, des enfants auxquels elles ont donné naissance. C’est aussi l’histoire d’une petite fille qui se cache au grenier pour l’éviter, lui. Elle a un crayon jaune qu’elle taille avec son couteau de poche et qui lui sert à écrire. À survivre."
Le mot de l'auteur extrait de l'entretien de Herbjørg Wassmo avec Pascale Frey, pour le magazine Elle, n°3402 (Source les éditions Gaïa)
« J'ai convié à un destin fictif ma mère, ma grand-mère et mon arrière-grand-mère pour leur demander ce qu'elles pensaient de mon roman. J'ai dressé une jolie table, j'ai parlé à leurs fantômes, je leur ai servi du vin et j'ai bu tous les verres ! Vous comprendrez que je ne me souvienne plus de la fin de la soirée à l'exception d'une chose, une remarque de ma mère : "Il était temps que tu écrives cette histoire." (...) Il fallait que ce livre existe, et il ne pouvait pas être écrit par une autre que moi. »
« Non, je n’ai pas peur de perdre mon temps ici. J’ai plutôt peur de perdre l’autre temps, celui qui s’accumule et devient des années… » (page 213)
Herjorg Wassmo est née en Norvège en 1942, ses livres ont beaucoup de succès, ils sont d’ailleurs récompensés par de nombreux prix. C’est une auteur que j’apprécie énormément depuis ma lecture de : « Le livre de Dina » que j’ai vraiment beaucoup aimée. Dina est un sacré personnage. Elle est envoûtante libre et sauvage.
La première partie du livre m’a vraiment enthousiasmée, elle a réussie à m’emporter tout comme Dina l’avait fait. La deuxième, peut-être un peu moins, ma lecture s’est un peu ralentie.
Tout comme « Le cœur cousu » c’est vraiment une histoire de femmes, de mères, de filles et de sœurs. Elles sont fortes et courageuses. Elles sont déterminées à ne pas se laisser avoir par le destin. Elles se battent la rage au ventre et les yeux farouches. Elles refusent de baisser les bras.
Dans ce livre il y a d’abord tout ce que j’aime dans la littérature Nordique. La beauté grandiose de la Norvège, son atmosphère vivifiante et les embruns.
« Arrivés au détroit de Raftsund, ils n’eurent plus qu’une jolie brise et cela prit du temps. De part et d’autre de l’étroit passage, ils touchaient presque le paysage. Les rochers luisaient de verglas mais les champs semblaient encore verts sous leur fine couche de glace. Les sommets des montagnes étaient blancs au-dessus du noir des à-pics et du gris des éboulis. Elle était installée, bien au chaud, sous une couverture en fourrure, à l’abri des embruns et des flocons de neige humide qui commençaient à tournoyer. Il était juste devant elle et tenait la barre. Le gamin s’était réfugié sous la voile (p39). »
La mer, mais pas celle des touristes, sage et disciplinée. Non, une mer contre laquelle il faut parfois se battre. Une mer qui a la couleur de la colère. Mais qui, parfois, sait être plus calme.
Alors que je redoutais au départ les changements de narration de l’auteur, qui passe de Sara-Suzanne à Elida et à la sienne aussi, j’ai trouvé que, finalement, ça donnait une certaine dynamique au livre.
Mais je vous cacherais pas que mes passages préférés sont ceux concernant Sara-Suzanne, l’arrière grand-mère de l’auteur.
Sara-Suzanne qui fera un mariage imposé mais qui se transformera en mariage d’amour.
« Ses sentiments envers lui avaient changé quand il l’avait portée jusqu’aux maisons. Personne ne l’avait portée ainsi depuis son enfance. Serrée contre lui, elle avait senti la chaleur de son corps à travers les vêtements. Cette curieuse force avec laquelle il l’emportait, sans vantardise, sans un seul verre pour se donner du courage. Qu’elle le veuille ou non, cela lui inspirait confiance » (p42)
Sara-Suzanne qui posera pour le pasteur Jensen pour représenter un ange.
Sara-Suzanne qui se fera lectrice pour ne pas vaciller.
« Le jour même, dans l’après-midi, elle déclara à la maisonnée qu’elle lirait à haute voix le soir. Après la traite et le coucher des enfants. Tous ceux qui en avaient envie étaient les bienvenus au grand salon. Maintenant, en pleins préparatifs de Noël. Elle mélangea elle-même du sirop et de l’eau dans une grande cruche et demanda à sa sœur Ellen, actuellement gouvernante chez eux, de préparer un grand repas de crèpes. lls vinrent tous. Les garçons de ferme de l’annexe, Kristoffer et Daniel de la boutique, les servantes. On ne pouvait pas laisser passer cette occasion. Celle de venir dans le grand salon prendre un verre de sirop de framboise et manger quelques pâtisseries ! Quand à la lecture, ce n’était pas si grave, on aurait toujours la patience de l’écouter (p385) »
Comme d’habitude il y a chez Wassmo des scènes de cuisine et de repas qui donnent l’eau à la bouche.
« En juin quand le petit lieu noir fit son apparition, Karsten et Erda le prirent à la traîne et Annie se chargea de le faire cuire. La gamine de quatorze ans se sentit fière comme Artaban quand la vapeur salée et parfumée de laurier emplit la maison. Ils n’avaient que des vieilles pommes de terre comme accompagnement. Mais arrosées du bouillon de foies, elles prenaient un goût d’été et de mer (p106) »
Des descriptions de la Norvège qui donnent envie de courir faire ses valises pour y partir au plus vite.
Des scènes familiales qui dorlotent et d’autres qui vous malmènent.
Des prénoms imprononçables et les difficultés qui vont avec pour les retenir.
Mais parlons maintenant des passages concernant l’auteur, qui sont les plus touchants. Il y est question d’ombres, tout droit venu de son enfance, d’un certain « il » (son père), du mal et de l’empreinte qu’il a laissé dans sa vie.
Il est question d’un petit poisson, trouvé dans une source, qui devient un ami et avec qui elle a des conversations irréelles.
Mais aussi d’un arbre, qui porte le nom étrange de « Tremble » qui parle à Herbjorb en murmurant, qui a des feuilles en forme de cœur et qui aime les secrets.
Pour finir les quelques mots de la voix de l’auteur, encore, qui nous chuchotent au creux de l’oreille et qui nous en apprennent beaucoup.
« Avec les cousins, on court beaucoup. Et on joue au ballon, ce que je n’aime pas trop. Je n’aime pas ce qui arrive brusquement à travers les airs. Je n’aime pas craindre l’inévitable. Ce qui est décidé par les autres. J’aime mieux jouer à la marelle. C’est un sentiment extraordinaire que de tout maîtriser soi-même, et sur un seul pied. Sauter à la corde. Ou bien grimper. S’agripper. Décider soi-même du moment où on lâchera. J’aime faire ce que je suis capable de maîtriser. Personne n’a besoin de savoir ce que c’est. » p348)
Une lecture vraiment très émouvante…
Une superbe incursion dans le cœur des femmes.
Un superbe passage aussi p56 que je ne vous donne pas parce que Pascale l’a déjà fait (et oui, encore une fois Pascale, nous avons notés les mêmes passages). Je vous conseille fortement d’aller le lire chez elle.
Lu aussi par Kathel, Sandrine, Papillon, Dominique, Clara, Nina, Keisha et Margotte.
La plage de Ramberg aux Lofoten. . Photo: CH / Innovation Norway (source site officiel Norvège)
Petit rajout : j'ai failli oublier les challenges
Challenge voisins-voisines de Kathel. Scandinavie blanche de Prune: Norvège Challenge littérature au féminin d'Anis