« Chaque homme est seul et nos douleurs sont une île déserte »
Quelques mots sur l’auteur :
Lise Benincà, née en 1974 près de Saint-Étienne, vit et travaille à Paris. Elle est l'auteur de Balayer fermer partir, un récit paru en 2008 aux Éditions du Seuil. (source éditions Joëlle Losfeld) »
Quelques mots sur le livre :
« En voyage professionnel au Brésil, Samuel meurt subitement dans le taxi qui le conduit à l'aéroport où il devait prendre l'avion pour Paris et retrouver sa compagne. À travers le récit de cette dernière, le lecteur est confronté à la poignante épreuve de la perte d'un être cher, depuis le coup de téléphone fortuit qui fait basculer la vie, jusqu'à la lente reconstruction de soi pour redevenir «le plus vivante possible». Ainsi prostrée dans la douleur, comme absente d'elle-même, la narratrice tente, sans démonstration excessive, mais comme une dernière tentative pour cerner l'inacceptable, d'approcher le corps dans sa composition anatomique et organique. Dans une langue d'une bouleversante sobriété, Lise Benincà raconte le retour à l'existence et au sentiment rassurant de faire partie d'un mouvement où les oiseaux partent en hiver et reviennent toujours au printemps. »
Cette fois c’est Antigone qui m’a donné envie de lire ce livre.
Je m’attendais à être bouleversée par ce livre, j‘ai juste été remué. Bizarrement je suis restée quelque peu extérieure à ce livre, je n’en connais pas les raisons, mais c’est un fait. Peut-être la brièveté de ce texte y est pour quelque chose, je ne saurais le dire. Pourtant la délicatesse de l’écriture était là.
Mais il m’a semblé qu’elle ne faisait qu’effleurer les choses…
Je l’ai déjà constaté, mais, pour une raison obscure, certains styles me sont hermétiques. Je ne fais que survoler les mots, sans vraiment me sentir « intégrée » dans le texte.
Et inutile de chercher le pourquoi et le comment c’est comme ça.
Pour autant je voudrais tout de même vous donner envie de lire ce livre, je suis sûre que ce n’est qu’une approche personnelle. De plus je ne peux même pas dire que je n’ai pas aimé ce livre, ce serait faux, mais j’ai juste eu cette impression désagréable d’être restée à « l’extérieur ». De rester sur le bord, refusée, pas intégrée par les mots. Par ailleurs, le nombres de passages que j’ai noté prouve que j’ai beaucoup apprécié certains passages. Certaines phrases, très belles, m’ont même vraiment interpellés…
Je suis confuse ? Et bien c’est exactement ce que retiens de ma lecture, une certaine confusion à l’idée de savoir ce que j’ai vraiment ressenti en lisant ce livre.
Samuel part pour cinq petits jours, sans envie, aucune, pour un voyage d’affaire.
Il ne reviendra pas.
Alors qu’elle l’attend, un coup de fil l’informe de cela : Samuel est mort avant même de prendre l’avion, dans le taxi qui le conduisait à l’aéroport pour revenir à Paris.
Il y le choc, l’absence, le chagrin pour la narratrice.
« j’ai tant de mal à me situer, je m’évapore, l’esprit voletant au loin dans les souvenirs et les avenirs rêvés, de Samuel et moi, je rassemble les images en un petit baluchon qu’il me faudra porter, noué très serré au bout d’un long bâton sur une épaule puis l’autre, d’un côté puis de l’autre, changeant d’épaule dès que la douleur se fera trop aiguë. Je pense à ce que j’y déposerai, mes pensées de Samuel une à une, mes souvenirs de Samuel et de sa voix qui me lisait des phrases, tandis que la mère de Samuel est recroquevillée sur sa chaise, de plus en plus petite et maigre et de plus en plus recroquevillée…/… »
Elle aura à faire également avec le chagrin des parents de Samuel, surtout de sa mère, ainsi que celui de sa sœur, Flavie, personnage très émouvant.
Flavie qui a la manie de noter dans un carnet, certaines phrases de banales conversations.
Flavie qui a la particularité de poser nue pour des étudiants aux Beaux-Arts.
« Il m’est arrivé de l’accompagner jusqu’aux Beaux-Arts, ou bien de l’attendre après une séance de pose. Elle dit : c’est épuisant d’être ainsi nue pendant des heures. Il ne suffit pas de monter sur l’estrade et de se tenir là. Il faut se rendre lisible. Le corps doit cesser d’être un corps nu exposé aux regards. Il doit devenir un modèle, l’essence d’un corps. Je suis en mouvement dans l’immobilité. Je suis un modèle vivant figé dans une position de vie pour l’éternité. Je me tiens sous leurs yeux, buste tendu, jambes fléchies en position de course mais je reste immobile, ma course est infinie, aussi longtemps que dure la pose je ne suis pas une femme nue, je suis un corps qui court. Les jours où je suis fatiguée, les jours où je me sens fragile, lorsque j’ôte mon peignoir, je ne donne à voir que ma nudité. C’est terrible alors de sentir les regards fixés sur moi, exposée, maladroite, démunie. Lorsque mon corps trouve enfin sa place, lorsqu’il redevient le lieu qui m’abrite, lorsque je suis à l’intérieur de lui comme dans un navire que je dirige à ma guise, alors je retrouve toute ma puissance. »
Pour le sujet, il n’y a rien à dire de plus.
Plus tard la narratrice se décidera à donner les vêtements de Samuel.
Plus tard elle recommencera à sortir, à l’occasion des trente cinq ans de sa sœur et c’est à ce moment là que le titre du livre deviendra clair à vos yeux.
Je déteste cette impression d’être passée à côté d’une lecture qui paraissait, pourtant, avoir tous les atouts pour me plaire.
Et si je le relisais ???
Un dernier passage, magnifique... (vous constatez que j'ai vraiment apprécié l'écriture et le style finalement)
« Ce n’est pas rien d’avoir quelqu'un à ses côtés, vivre l’échange jusque dans le corps, partager cet effroi de vivre et décider de le faire côte à côte, alors que tant de gens autour nous restent étrangers, nous nous sommes choisis et je marche à côté de toi, tu m’accompagnes dans la vie et je marche vers la mort avec toi, puis voilà soudain que tu passes la frontière tandis que je suis encore sur le chemin, et je ne le supporte pas, même si je sais d’instinct que rien n’aurait pu empêcher cette séparation, chacun est seul face à la mort, celle des autres et la sienne, chaque homme est seul et nos douleurs sont une île déserte. Mais notre rencontre. Je ne supporte pas que notre rencontre prenne fin. »
Challenge petit bac, catégorie animaux