Lecture commune avec Anne, Lystig, Anne, Pyrausta, Valou et Cynthia
Quatrième de couverture :
"Chicago,1903. Un jeune couple, les Cheney, fait appel à Frank Lloyd Wright, l’architecte d’avant-garde, génial et rebelle, pour
qu’il construise leur nouvelle maison. Et c’est le coup de foudre : Frank tombe follement amoureux de Mamah Borthwick Cheney. Au point que, quelques années plus tard, les amants partent pour
l’Europe, abandonnant conjoints et enfants, au grand scandale de la bonne société américaine, puritaine et dévote. Où qu’ils aillent, Frank et Mamah, enchaînés par leur passion mais hantés par
une culpabilité intolérable, font la une de la presse américaine. Ils rentrent aux Etats-Unis en 1914, et leur histoire d’amour va connaître un dénouement dramatique…
Nancy Horan raconte avec tact et empathie le combat, perdu d’avance, de deux êtres emportés par un sentiment qui les dépasse. Stéphane Hoffmann, Madame Figaro.
Un amour au goût de soufre. Françoise Dargent, Le Figaro littéraire. "
Mamah Borthwick et Frank Lloyd Wright
Extrait du "Chicago Daily Tribune"
« Être mère ne suffit pas, même une huître peut être mère. »
Charlotte Perkins Gilman
Tout d’abord je dois avouer que j’ai une journée de retard pour la lecture commune (mais je ne crois pas être la seule). Hier, une réunion à l’école de « petit dernier » qui devait me prendre une heure, m’a finalement pris toute l’après midi… Voilà pour l’explication.
Maintenant venons en au principal ; mon avis sur ce livre.
Ce n’est pas un coup de cœur comme je le pensais mais presque, c’était vraiment une lecture très intéressante. Je me suis, par contre, rendu compte que j’étais mal à l’aise par rapport à ces livres qui mélangent faits réels et romance. En effet, comment savoir, puisque seuls ceux qui ont réellement vécu leurs histoires savent, ce qui est vraiment arrivé. Peut-être ont-ils vécu d’une façon totalement différente tout ce qui est relaté ici. Leurs ressentis leurs est propre et l’auteur peut-il vraiment s’approprier le droit de parler en leurs noms ? Voilà, il me semble, une question intéressante à soulever…
Par ailleurs il me semble que le livre aurait supporté un peu moins de pages et d’épaisseur. Je me suis moi-même un peu lassé dans la dernière partie du livre. La construction et la vie qui s’installe à Taliesin m’a semblé un peu longue.
Et il y a cette fin aussi, épouvantable, abominable… Je pense d’ailleurs, que si je n’avais pas su que les faits sont réels j’aurais pensé : non, là c’est vraiment trop… je ne peux pas adhérer à cette fin…
Et pourtant…
C’est vraiment la preuve que, parfois, la réalité peut dépasser (largement) la fiction !
Mais maintenant parlons de ce qui m’a vraiment touché dans ce livre : d’abord il y a la voix de Mamah, terriblement proche, terriblement intime. L’on suit ses pas, son chemin, ses hésitations, ses doutes avec beaucoup d’intérêt…
Il y a cette femme déchirée entre son attirance avec cet homme, qui lui semble être son âme sœur, et ses enfants, son foyer…
Il y a la tristesse et la douleur de ses jeunes enfants, surtout de son fils, abandonné alors qu’il n’avait que 3 ans, pleurant le départ de leur mère. (j’avoue avoir, à ce moment là, eu du mal à comprendre Mamah)
Il y a l’ébauche et le début du féminisme et des balbutiements des droits des femmes…
Il y a une passion et un élan vers un amour défendu.
Il y a quelques jours (les seuls) de douceurs, de liberté, et d’ivresse à Berlin, tout au début de leur passion. Et d’autres, plutôt heureux eux aussi, à Florence où Mamah se sentira vraiment à sa place et connaîtra certainement ses plus belles heures.
« Les journées s’organisaient aussi simplement que cela, rythmées par le lever du soleil et le repas de midi. Dès huit heures et demie, ils se trouvaient chacun à leur poste, même s’il arrivait à Mamah de se glisser dans l’atelier pour regarder Frank et Taylor Woolley tremper leurs plumes de corbeau dans l’encre et esquisser des dessins délicats sur leurs minces feuilles de papier.
Quand à elle, elle travaillait dans le plus petit des deux jardins de la maison, abritée par une charmille chargée de roses jaunes qui poussaient tout autour de la terrasse. Assise à la table de jardin ronde installée près du mur qui la séparait d’un vertigineux à pic, elle avait vue sur les toits de tuile rouge de Florence…/…
Elle vivait dehors aussi souvent que possible ; certains matins, elle abandonnait sa traduction pour gravir la Via San Francesco jusqu’à l’antique église et jusqu’au monastère, au sommet de la colline. Ce n’était qu’une destination parmi des dizaines d’autres mais toutes ses promenades dans les prés parsemés de coquelicots l’amenaient au même point culminant : Mamah trouvait un endroit où s’asseoir pour contempler les coteaux jusqu’à ce qu’un calme proche de la stupeur s’empare d’elle. Quand les longues heures passées au soleil firent apparaître des auréoles bronzées sur son dos et sa poitrine, elle s’acheta un chapeau avec des bords plus larges.
« Mamah des collines ! » C’est en ces termes que Frank la salua un beau matin qu’elle sortait dans le jardin, son grand chapeau de promenade sur la tête. A compter de ce jour, il ne lui donna plus d’autre surnom. »
Il y a le poids de la société puritaine, le scandale et l’enfer de l’acharnement des journalistes.
Il y a la voix d’Ellen Key, philosophe et féministe avant l’heure (mais qui retournera en quelque sorte sa veste) suédoise (et qui a pour ami un certain Carl Larsson que je vénère) qui fascinera Mamah. Et dont elle traduira les textes.
Il y a le jugement des autres, toujours, tout le temps, dont ils ont du mal à se détacher.
Il y a cette maison incroyable : Taliesin, une vraie création artistique, qui a une présence et une personnalité aussi forte qu’un être humain.
« Ici, Taliesin était grande ouverte sur l’extérieur : le soleil, le ciel, les collines verdoyantes et la terre noire. Bien plus que la maison d’Eart Avenue, celle-ci contenait une promesse de bonheur. Elle était vraiment faite pour Mamah, avec ses terrasses, ses cours et ses jardins qui rappelaient tant les villas italiennes chères à son cœur. Pourtant Taliesin n’avait rien d’italien. Elle présentait les caractéristiques d’ « une maison de la prairie » sans en être une. C’était une construction originale qui ne ressemblait à aucune autre, selon Mamah, un pur produit de l’architecture organique en totale symbiose avec la colline.
Mamah s’émerveillait surtout de l’espace qui s’offrait à l’intérieur de la maison ; on y découvrait un univers à part. Rien n’exprimait mieux l’idéal américain qu’une demeure où l’on se sentait à l’abri tout en restant libre. Mamah adorait s’asseoir devant la cheminée pour contempler le spacieux salon largement ouvert sur les champs et, au-delà, sur l’horizon. Comme s’il n’y avait pas de murs pour arrêter le regard, les pensées et l’esprit pouvaient vagabonder toujours plus loin. Cette maison incarnait le rêve que poursuivait Frank depuis qu’elle le connaissait, celui d’une « architecture démocratique ». Elle l’avait souvent entendu dire que la réalité d’un bâtiment réside dans sa dimension intérieure. Votre façon de meubler cet espace influence votre façon de vivre et votre devenir. Ici, à Taliesin, il n’avait pas envie d’encombrer l’espace d’objets qui n’élèveraient pas leurs âmes. Mamah non plus.
Elle imaginait sans peine le jour où il avait gravi cette colline avec le projet de Taliesin en tête. Loin des contraintes liées à un site urbain, il était libre d’associer le soleil, les brises et les paysages à son idée. Elle le voyait debout, le nez au vent, à l’affût, contempler les lieux comme il le faisait si souvent lorsqu’une idée prenait corps dans son esprit. Bientôt, les carrés et les rectangles, les cercles et les triangles commençaient à s’agencer sous ses yeux. Il pouvait se passer des semaines avant qu’il ne prenne un crayon et du papier. Mais, quand il le faisait, il lui suffisait parfois de dessiner fébrilement pendant une heure pour produire une esquisse fabuleuse. Combien de fois ne l’avait-elle pas entendu affirmer, un peu par bravade, « je l’avais au bout des doigts », comme si c’était la chose la plus facile au monde, alors que les plans étaient en gestation depuis des semaines ? D’autres fois, il sortait son compas, son équerre en T et s’amusait à agencer les formes sur le papier pendant des heures, dessinant et modifiant ses plans comme il avait dû le faire, enfant, avec ses cubes de Fröbel. »
Il y a un homme qui a la passion de son métier et qui se prend un peu pour un dieu. Un homme qui a une facette irrésistible faisant de l’architecture une passion et un art, mais aussi une autre, plus sombre, trahissant ses amis en abusant financièrement d’eux.
J’avoue d’ailleurs avoir ressenti pour Frank Lloyd Wright de l’agacement, de l’irritation. Cet homme a vraiment un ego surdimensionné. Et alors qu’il a des goûts de grandeurs, il n’a aucun états d’âme ni la moindre hésitation à profiter de ses amis et collaborateurs. Donnant l’explication que son art et son talent excuse bien cela.
Bref un type apparaissant peu sympathique parfois…
Au final, une lecture incontournable !!!
Lu par Zarline, Theoma (tous les autres liens chez elles d'ailleurs).