
Les éditions de minuit, 2010
" Nous t'avons trouvé cette jolie maison avec un grand et beau jardin. On ne t'y voit jamais. Tu pourrais t'y installer, te reposer, bronzer ou lire. Tu ne lis
jamais. Tu n'aimes pas lire ?. Non, dit Lily ça me fait réfléchir. C'est plutôt bien, dit la mère. Non, dit Lily, c'est pas bien, ça me raconte des histoires qui me font envie, et tôt ou
tard je me demande si la mienne vaut la peine. (P62)"
Le mot de l'éditeur :
" Braine vient de passer trois mois dans un hôpital militaire. Il a été gravement commotionné. Il peut de nouveau dire, lire et écrire son nom. Il va rentrer à la
maison. Lily l'attend. Il est de retour. Il arrive. Souhaitons-leur de vivre enfin heureux. "
Braine revient à la maison, il est amoché, amaigri, éteind. A la gare il y a Lily pour l'accueillir, ainsi que Louis, trois ans, leur fils : "un bel enfant aux
cheveux d'un blond nordique, presque blancs, avec des yeux bleu clair ombragés par de longs cils" mais aussi Lucie : "une petite chienne, un bâtard de caniche
nain femelle, toute noire, frisée comme un mouton, une boule de poils avec deux petits yeux ronds marron et une langue rose" (P9).
Le premier baiser de Braine est maladroit et brutal :
" .../... elle se sentit, plus qu'attirée, plutôt tirée, happée, capturée, raptée par les bras de Braine puis privée d'air par la bouche de Braine.../...
Elle ne s'attendait pas à autant de force. Elle s'attendait à tout le contraire. Elle pensait trouver un Braine encore faible, à peine capable de la prendre dans ses
bras..../...
Il l'avait empoignée, à demi-brisée, et maintenant il ne bougeait plus, il attendait, se disant que peut-être elle aussi elle avait envie de l'embrasser à sa manière
de femme. Il ne se trompait pas..../... (p12)
Lily le ramène à la maison, en conduisant elle le regarde, surprise de son état :
" Elle le regardait de nouveau, par moments, aussi souvent que la route et la conduite de la voiture le lui permettaient, et elle le vit enfin comme il était, un
type mort de fatigue, tétanisé par la faim et le manque de sommeil, rescapé d'un voyage de plus d'une semaine, en camion, en hélicoptère, bateau, train, et maintenant l'auto, le tournevis, la
scène du tournevis somnambulique (P19)."
De même qu'elle s'était rendu compte fort tard que Braine n'avait pas dit un mot, de même elle se rendait compte seulement maintenant que Braine son mari avait
terriblement maigri, oui, malgré ce long séjour à l'hôpital, les traits creux, un visage osseux, une tête de déporté, de cancéreux ou de prisonnier qu'on aurait affamé." (P19, 20)
Braine aura à peine le temps de dormir un peu, les parents de Lily les attendent et Lily n'ose pas reporté ce diner de retrouvailles. Le père de Lily est autoritaire et intrusif.
J'ai beaucoup aimé la première partie de ce livre, le retour à la vie de Braine qui ne fait que dormir au début. Puis il recommence doucement à sourire, à avoir conscience de la présence de Lily.
Ils se retrouvent.
"Ainsi de suite, les morceaux se recollaient. Il faisait beau. Un beau mois de Juillet, un peu chaud mais très beau, et puis l'été c'est l'été. Il fera froid cet
hiver. Braine se souvenait de ça, à peu près de tout le nécessaire (P46).
J'ai aimé aussi le retour de Braine à la musique, son instrument qu'il redécouvre, un bugle ; " une sorte de trompette, un
clairon à pistons (p 111)", " .../... le bugle, c'est un instrument trompeur, voire traître, il n'a pas la rectitude de la trompette, il est plus court, rond, grave, suave, d'une suavité sombre,
mélancolique, un son de velours violet (p78)."
La reconstruction de son groupe de Jazz est en marche...
" Vous exagérez, je crois, dit Rose Braxton, la musique n'est pas si dangereuse. Le jazz, si, dit-il, c'est toujours risqué de se donner en entier, vous changez de
langue, vous pensez et vous parlez jazz, bientôt vous n'êtes plus que ça, vous n'êtes plus dans ce monde (p83, 84)"
Rose Braxton, qui tient une boite de nuit et qui veut l'embaucher, enverra chercher à sa place ces anciens partenaires de musique. Et ils reviendront, tous ; Nassoy le bassiste, Patrick le
pianiste, le saxophoniste Christian, le batteur Claude.
La musique reprendra sa place dans la vie de Braine.
Je n'ai pas aimé la suite ni la tournure que les évènements ont pris après ça. Cette lecture était agréable, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre. Mais dommage, la deuxième partie est
partie sur une route que je n'ai pas aimé. Je l'ai trouvé banale, pas à la hauteur de ce que ce livre augurait. Mais j'en garderais tout de même un bon souvenir.
Pour finir, un passage que j'ai trouvé très beau ; Lily et Braine regarde un film de Minnelli : "Comme un torrent" avec Sinatra. Lily ressent le besoin de parler de ce film à
Braine, ils sont dans la voiture pour rentrer chez eux et voilà ce qu'elle lui dit :
" Elle se rangea sur le bas-côté. Elle avait le sourire. Elle était très émue. Il fallait qu'elle s'arrête. Braine : Pourquoi tu t'arrêtes ? Elle : Pour te parler.
Lui : Me parler de quoi ? Elle : Du film.
A un moment donné, dit-elle. Lily avait les yeux pleins de larmes : A un moment donné, Sinatra donne à lire à Shirley Mac Laine le livre qu'il a écrit. Elle le lit.
Il est présent. Il tourne en rond. Elle a fini. Il lui demande ce qu'elle en pense. Elle répond qu'elle trouve ça beau. Alors lui, très énervé, il la prend pour une gourde, il lui dit : Et
pourquoi tu trouves ça beau ? Comme si on pouvait dire pourquoi. Mais elle, Shirley la gourde, elle lui répond : Parce que je t'aime.
Lily redémarra sans commentaire. S'arrêta de nouveau et, elle regardait Braine, lui aussi la regardait, elle lui dit : Je n'ai jamais entendu une réplique aussi
belle, et je pleure parce que lui ne l'aime pas, c'est trop triste, et aussi parce que j'ai compris que ce qui est beau comme l'amour ne se fabrique pas sous une bagnole qui pisse de l'huile.
"
Quelques jours après, et, on faisant mon billet, je me rends compte que cette lecture m'a émue bien plus que je ne le pensais.
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Challenge "Des
mots et des notes" d'
Anne