C'est un livre qui a été beaucoup lue, et apprécié, par la blogosphère.
C'est un premier roman de Maud Lethielleux qui est, par ailleurs, musicienne et metteur en scène. Elle fait du théâtre.
C'est un premier roman très agréable, très facile à lire. Je l'ai trouvée d'une grande fraîcheur et d'une belle tendresse.
C'est Ninon, neuf ans, qui nous parle ici. Ses parents, Fred et Zélie viennent de se séparer et elle choisit de vivre avec son père. Mais la vie n'est pas facile, l'argent manque, l'hygiène n'est
pas du tout présente, Ninon attrape même la teigne, son chat Coucou, lui a refilé.
Cette petite Ninon est très émouvante et j'avais le coeur chavirée à la fin du livre.
Mais, si ses conditions de vie ne sont pas idéales, je ne pense pas que Ninon ai manquée d'amour ou de tendresse. Je pense qu'elle a vécue, malgré tout, une enfance assez heureuse même si,
et je le dis encore, elle a vraiment vécue dans une grande précarité.
Son père construit une maison dans les bois. Ils vivront là, sans même un vrai toit, juste sous une bache en plastique, pendant de longs mois. Bien sûr ils n'ont pas l'eau
courante, juste un puits, et pas d'électricité. Son père a une chevrerie et vend, avec Ninon, son fromage sur les marchés.
Le langage de Ninon est ce qu'il y a de plus percutant dans ce livre.
L'originalité du livre elle est là.
Maud Lethielleux
Ninon n'est pas seule, elle a une petite soeur Agathe, qui elle, est resté vivre avec sa maman. Ninon et Agathe ont
une belle affection l'une pour l'autre :
" En m'endormant, je sens la respiration de ma petite soeur sur ma main, c'est chaud, c'est encore mieux que la tête de Raymond (le chien) sur mes jambes,
c'est pas pareil, c'est comme si je ne serai jamais seule dans ma vie. Une petite soeur, elle l'est pour tout le temps, c'est pas comme les amoureux ou les trucs comme ça, une petite soeur, même
quand t'es à quinze kilomètres ou si tu fais des choses, ou si tu fais rien, elle est toujours dans ta poche d'amour éternel. Toujours. "
Ninon ressent beaucoup d'amour pour son père, elle ne veut pas le laisser tomber, l'aidera jusqu'au bout de ses forces.
" Bref, il a l'air cool comme ça si on ne le connait pas vraiment. Mais la grande différence avec les autres, c'est que ses rêves à lui sont si puissants
qu'ils lui donnent l'énergie de travailler même la nuit, tout le temps, même sous la pluie ou sous le soleil, même s'il neige. Et il a des sandalettes magiques qu'il garde tout l'hiver, sans
chaussettes, il refuse les bottes en caoutchouc et les chaussures d'ouvrier. Mon père, il aime sentir la nature entre ses orteils.
Moi, je fais la cuisine. On a préparé un petit feu de bois à l'abri d'un chêne centenaire et je fais griller les châtaignes. "
Beaucoup de travail et de responsabilités pour une si petite fille. Mais c'est son choix : elle veut être avec son père. Mais il est surveillé et l'ombre d'une
séparation plane au dessus d'eux. A tout moment il risque de perdre la garde de Ninon.
" Zélie :
- Fred, si ça continue, j'envoie une assistance sociale et je te retire la garde de Ninon.
Je crie que c'est n'importe quoi, on n'a pas besoin d'assistante ! On n'a pas besoin d'aide ! On assume nos responsabilités d'êtres humains sur la planète Terre et j'en ai marre de madame Kaffe
qui vient toujours fourrer son nez partout, marre marre marre, et si ça continue, un jour, je deviendrai malheureuse.
Le dernier mot, je ne le pense pas vraiment, je le dis pare qu'il est beau et qu'il dure longtemps. Zélie dit : On y va. Agathe me laisse la place de devant à cause du mot très rare que je viens
de dire. "
Ninon manque très souvent l'école :
" J'explique à Fred que, franchement, entre nous, l'école, je ne veux pas y aller. Il me dit qu'il me comprend complètement mais que je dois absolument y aller sinon
Zélie va lui retirer la garde. Je dis :
- Cinquante cinquante.
- Minimum deux jours par semaine.
- Pas le mardi pour le marché de Durtal.
- Tope-là ! "
Ninon vit le froid et le chaud. Elle est heureuse :
" C'est chouette de chanter à plusieurs voix, ça rend heureux et les paysages qui défilent sont encore plus beaux. C'est comme si y'avait des fées
partout qui nous souriaient, cachés derrière les arbres, même les nuages ne sont plus gris, ils sont blancs et ils se déplacent, ils nous suivent parce qu'on chante la chanson d'un peuple. Moi je
serais chanteuse plus tard et j'inventerai des chansons d'amour comme Fred, mais la différence entre Fred et moi, c'est que mes chansons d'amour à moi, elles ne seront pas
tristes. Ce sera des amours qui s'aiment encore. "
Et parfois malheureuse :
" C'est drôle, j'ai l'impression d'avoir grandi tout à coup. Cela fait mal au ventre de grandir, ça fait un noeud tout serré au milieu du ventre, c'est à
cause des intestins qui grandissent aussi. C'est très triste de grandir, ça donne envie de pleurer sans larmes. "
La vie quoi !
" Elle est pas difficile ma vie, elle est belle, c'est un bourgeon de rose qui s'ouvre sous la rosée, elle est belle ma vie en autarcique. Évidemment tu peux pas
comprendre toi, tu ne connais que les autoroutes. "
Ce très beau passage, plein de sagesse :
" Le vrai bonheur, il se compte dans la tête, il est invisible, il est dans l'instant du présent, c'est comme une conjugaison qu'on a rien compris, il ne se conjugue
pas au futur imparfait, il est parfait d' ailleurs, il est toujours là où on s'y attend pas, il faut juste ouvrir ses yeux. "
Au final, un livre qui laisse le sourire aux lèvres. Un livre plutôt optimiste qui montre bien que le bonheur n'est pas forcément dans la richesse et
l'opulence.
Ninon a toutes les armes pour se faire une belle et jolie petite vie.
Elle a peut-être manqué de beaucoup mais certainement pas d'amour.
Un livre avec un bel état d'esprit, une très saine façon de voir la vie.
Dis oui, Ninon
Maud Lethielleux
Editions Stock
Challlenge 1er roman
Objectif PAL
Pour finir je voudrais parler du blog de Maud Lethielleux, Maud et les mots : link
On y parle de son prochain roman, " D'où je suis, je vois la lune" qui paraitra le 9 mars.
Voici sa présentation :
« Je dis : Avec cinquante centimes d'euros, qu'est-ce qu'on achète à notre époque? J'insiste, il accélère, petite pirouette : Non sans dec, à ce prix, franchement, tu trouves des trucs intéressants à acheter? Le type finit par s'arrêter, il se demande où je veux en venir, et c'est là que je sors le grand jeu, touti et compagnie, je dis : Un sourire à ce prix-là, c'est pas cher payé! Et j'attends pas qu'il accepte, je lui refourgue un putain de petit sourire façon majorette à dentelle, épaule en arrière et tête haute. Le type soupire, il pense qu'il se fait avoir. Il n'a que dix centimes, je lui fais quand même le sourire en entier. Je suis pas une radine. »
Moon n’est pas une sans-abri, mais une petite paysanne des rues qui a posé ses cartons place du marché aux fleurs. Elle observe avec malice le manège des gens
pressés.
Moon n’est pas seule, il y a Michou et Suzie avec leur caddie, Boule et son crâne rasé, et surtout, il y a Fidji et ses projets sur Panam. Pour lui, elle a décidé d’écrire un roman, un
vrai.
« Je me suis mise à inventer des détails que j'imagine moi-même. Quand je les écris, ils deviennent réels, encore plus que mon carton, je me suis même inspirée de Comète, je l'ai regardée faire son cirque et j'ai inventé un chien dans l'histoire, un chien qui s'appelle Raymond, c'est une sorte de père de Comète, un père imaginaire évidemment. Et puis j'ai inventé un père aussi, un père à Fidji, un homme avec des idées et beaucoup d'honneur, un homme comme on croise dans les vieux films, avec le regard très profond et beaucoup d'humanité. Et puis Fidji, je lui ai donné un autre nom et en fait, c’est devenu une petite fille, une môme qui me fait du bien rien que d'y penser. »
Et il y Slam qui sort de prison, Slam qui aime les mots de Moon et a une certitude : un jour, elle décrochera la lune... "